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Le blog de Khaos Farbauti Ibn Oblivion. Une vision du monde cynique et poétique.

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"Rien ne va" : La France en 2019 à travers la crise des gilets jaunes.

C'est devant l'absurdité de l'imagerie actuelle renvoyée par notre pays que j'ai soudain réalisé qu'il pourrait être intéressant d'en dresser un témoignage. Il est fort probable que d'ici quelques années les générations futures regarderont en arrière en se disant "Mais qu'a-t-il bien pu se passer ?". Je me suis donc dis qu'un billet pourrait laisser une trace intéressante à défaut d'éclairante.

Cette histoire, qui n'est pas imaginaire, commence donc sur une chaine TV d'informations continues avec un débat : "Faut-il supprimer les RSA pour les casseurs ?"

Rappel du contexte

Pour ceux qui me liront dans le futur, replaçons quelques éléments de contexte. Nous sommes à la fin du mois de Mars 2019, la France est traversée depuis une vingtaine de semaines par un mouvement social appelé les "Gilets Jaunes" car les manifestants utilisent cet accessoire de sécurité routière pour s'identifier entre eux.

Créé à l'origine pour s'opposer à une hausse du prix du carburant, il est très rapidement devenu protéiforme en agglomérant une grande partie des mécontentements du moment, qui était nombreux. Pouvoir d'achat, représentativité, fiscalité, services publiques, démocratie, ... Le mouvement est devenu l'incarnation d'un ras-le-bol, pas toujours clairement défini, mais omniprésent dans la société française.

Le gouvernement en place a alors pris le pari d'ignorer le mouvement et laisser le mécontentement s'exprimer en estimant qu'une fois le cri de colère passé, les choses se calmeraient et il serait plus simple alors de mettre en œuvre quelques mesures symboliques d'apaisement.
Si cette stratégie ne fut pas un échec, elle ne fut pas une réussite non plus puisque le mouvement, bien qu'ayant perdu en nombre, est parvenu à prolonger très longuement son existence et, à l'heure où je rédige ce billet (soit 20 semaines plus tard), il n'est toujours pas terminé.

Chaque samedi faisant l'objet des nouveaux rassemblements, les médias ont énormément couvert le sujet. Aussi bien pendant que en amont et en aval de chaque manifestation. (Soit a minima tout de même 3 jours sur les 7 de la semaine, voire plus si l'on inclut tous les débats et sujets indirectement corrélés)

C'est donc lors de l'un de ces nombreux débats, faisant suite à l'incendie du Fouquet's sur les Champs Élysées, qu'est apparu cette question sur laquelle démarre mon témoignage : "Faut-il supprimer le RSA pour les casseurs ?"

Rien ne va

En voyant cette question, un mécanisme mental s'est enclenché en moi que l'on pourrait cinématographiquement représenter par un arrêt sur image avec une voix off qui annonce gravement "It was at this moment, ..."
Autrement dit j'ai pris du recul, j'ai regardé le tableau dans son ensemble et j'ai soudain réalisé qu'absolument RIEN n'allait dans cette scène. Depuis la forme jusqu'au fond, tout était erroné, tordu, déformé... Bref pas à sa place.

Reprenons.

Il s'agissait d'une émission sur une chaine d'informations continues. Déjà... Quelle était l'information ? Un représentant du monde politique (En l’occurrence Arnaud Viala, député LR de l'Aveyron) avait donc quelques heures auparavant proposé à l'assemblé une proposition de loi visant à supprimer le RSA pour les personnes coupables de dégradation de biens publics lors des manifestations de gilets jaunes. (ou toute autre manifestation d'ailleurs également)
Est-ce qu'il s'agit d'une information ? Pourquoi pas après tout. Et donc les journalistes ont pour mission de présenter l'information et de l'expliquer, la rendre compréhensible par le grand public. Bref "d'informer".
Or ce n'était pas le but de l'exercice auquel j'assistais : Il s'agissait d'un débat entre différentes personnes pour savoir si l'idée était bonne ou non. Pourquoi cette forme ? Pour le business tout simplement. Les chaines d'informations continues ont, comme les autres, la pression constante de l'audimat. Elles doivent se démarquer, attirer, capter le public. Or la simple information n'est pas vendeuse, c'est une base intéressante surtout s'il est possible de la romancer un peu comme souvent avec les faits divers, mais ce qui capte le public c'est le commentaire, la réaction, l'émotion. Et le débat est un format simple permettant de regrouper ces éléments.

Ce n'était pas de l'information. C'était un débat. Ce n'était pas vraiment du journalisme. C'était du spectacle.

Sur le plateau

Ensuite, autour de notre journaliste ne faisant pas du journalisme, il y avait des débatteurs. Pour l'essentiel des personnes issus du monde politique et, comme souvent, d'autres présentés comme des experts sur le sujet du moment.
Là aussi détaillons : Les experts le sont-ils vraiment ? Rien n'est moins sûr comme l'a démontré l'affaire Laurent Montet, prétendument expert en criminologie mais qui n'avait en réalité absolument aucun diplôme reconnu. Au mieux, l'homme était un hobbyiste passionné, au pire un mythomane incompétent. Difficile alors d'accorder la moindre crédibilité à ses paroles.

En l'espèce il y avait ce jour-là sur le plateau François de Closets, journaliste et écrivain, qui, s'il est connu pour avoir couvert pendant de nombreuses années l'information scientifique, ne peut que difficilement être déclaré expert sur un débat portant sur les casseurs et le RSA. Au même titre qu'un Laurent Montet ou par exemple d'un Périco Légasse (Journaliste reconnu dans le domaine de la gastronomie qui se retrouve aussi régulièrement à commenter la politique), sa parole pouvait être aussi bien juste que totalement erronée. Elle ne se fondait sur aucune expertise reconnue.

Nous avons donc un journaliste ne faisant pas de journalisme, un expert qui n'en est pas un et bien sûr... des politiques !

Quel est le rôle d'un politique ? Vaste question mais disons que, sur le papier, il est supposé rechercher le bien commun à travers le prisme des valeurs qui sont les siennes. Mais là encore rien ne va. Parce que bien évidemment, aucun des politiques présents sur le plateau n'était là pour se préoccuper du bien commun.
Certains venaient gagner une existence, d'autres travaillaient leur carrière, d'autres encore n'étaient là que pour répéter en boucle leur mots-clé, que le sujet s'y prête ou non. Et bien sûr toutes ses choses sont cumulables et l'étaient copieusement.

Un exemple parmi d'autres : Le besoin du représentant RN à répéter inlassablement les mots "milice d’extrême gauche", vraisemblablement une stratégie de communication pour donner du corps au concept, quelque soit la réalité du terrain, et pouvoir s'en resservir par la suite une fois l'idée ancrée dans les esprits.
Autrement dit, il était là pour mettre en place une stratégie électorale. Le bien commun étant bien loin de ses préoccupations !

Rien n'allait donc sur ce plateau entre journaliste, expert et politique où PERSONNE ne faisait ce qu'il était supposément tenu de faire ou bien le faisait, au mieux, par inadvertance.

Dans la rue

Mais passons un peu de l'autre coté. Sur le terrain, quelle réalité étrange transparaissait à travers ce débat. De quoi parlait-on au juste ?

Il y avait donc au sein des manifestants, des casseurs. Qu'ils soient d'extrême-gauche, d'extrême-droite, d’extrême-centre ou d'une extrême connerie n'a dans le fond aucune espèce d'importance. Des gens commettent une infraction (ou un crime, je ne suis un spécialiste du droit donc je peux me tromper). On s'attend donc logiquement à ce qu'ils soient arrêtés. Puis dans un second temps remis à la justice qui jugera de la sanction appropriée au cas de chacun.

Sauf que là encore... rien ne va !

D'abord il y a l'étonnante idée, que nous avons apparemment désormais inconsciemment intégrée, qu'une manifestation contre le gouvernement ne devait pas se situer sous les fenêtres dudit gouvernement. Quand on prend la peine d'y réfléchir un peu c'est à la fois un comportement ridicule, et récent. Par exemple en 2016, pour protester contre le recours au 49-3, il paraissait évident de manifester devant les premiers concernés.
On se retrouve donc avec une manifestation au milieu de magasins de luxe plutôt que là où elle devrait être. Des manifestants qui ne manifestent pas où il serait légitime de le faire.

Ensuite il y a les forces de l'ordre. Dont l'objectif est, rappelons-le, non pas de mettre fin aux troubles à l'ordre public comme on l'entend souvent, mais de protéger les populations lors de troubles à l'ordre public. Cela semble proche dit comme ça, et cela se traduit in fine dans les deux cas par des tentatives de mettre fin aux troubles, mais cela sous-entend une très grande différence dans l'approche et la méthode. La police protège d'abord et avant tout. Et dans le contexte de manifestations, elle encadre.
Mais là aussi, comme tous les autres maillons de cette longue chaine où rien n'est à sa place, elle agit de manière dévoyée, se concentrant sur des fonctions qui ne sont pas les siennes. Elle n'encadre plus mais réprime. Elle ne protège plus mais blesse.
Et même parfois, elle tue.

Des manifestants au mauvais endroits, des policiers dans un rôle qui n'est pas le leur... Et au bout de la chaine, il y a la justice. Tellement noyée et inaudible qu'elle en devient inexistante. Et de toute façon, quand bien même elle agirait, son temps n'est pas celui de la société actuelle et ses décisions toujours rendues bien après la perte d'attention de la population.

CQFD

Voilà comment on en arrive à se poser la question "Faut-il supprimer les RSA pour les casseurs ?" alors que dans un monde où tous feraient réellement ce qu'il prétend faire la réponse serait évidente (tellement en fait que je l'ai même déjà glissé plus haut dans ce texte) : On arrête les casseurs, on les juge puis on les punit à hauteur de l'infraction/crime en tenant compte de l'ensemble des circonstances s'appliquant à chaque cas.

Cette question qui aurait du n'avoir aucun sens, n'existe que parce que aujourd'hui, en France, en 2019, dans bout à l'autre de la chaîne, rien ne va.
Et qu'il est plus que temps de s'en rendre compte.

Que la paix soit avec vous.

Khaos Farbauti Ibn Oblivion

Auteur: Khaos Farbauti Ibn Oblivion

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