3, le chat, chapitre I (suite)
Publié le jeudi 13 mars 2008, 12:17 - modifié le 16/02/10 - Recueil - Lien permanent
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Ce fut finalement lorsqu'elle ne fut plus qu'à quelques mètres de son appartement qu'elle le remarqua enfin.
La population urbaine américaine était conséquente et il restait assez rare de croiser dans une seule journée la même personne. Or cet inconnu s'était déjà trouvé sur son chemin plusieurs fois depuis sa pause déjeuner. Ce qui aurait pu passer pour une coïncidence, devint brusquement inquiétant lorsque Linda entr'aperçu à nouveau du coin de l'oeil l'écharpe rouge aux motifs écossais.
L'homme était assez grand, élancé, et vêtu d'un long manteau beige. Le froid hivernal n'ayant pas encore complètement quitté la cité, il portait des gants noirs et cette écharpe à la couleur vive qui avait attiré le regard de Linda.
Il semblait flâner au hasard le long des vitrines et cela l'inquiéta d'autant plus.
Si elle avait bien appris à constater quelque chose lors de ses observations des foules urbaines, c'est que les personnes marchant apparemment au hasard étaient extrêmement rares. Tout le monde allait généralement vers un quelque part bien défini et d'une démarche volontaire, voire empressée. Même les touristes, enfermés dans leur parcours imposés, n'avaient que peu de temps à perdre en déambulation.
Que le cheminement aléatoire de l'homme semble suivre la route de Linda ne semblait vouloir dire qu'une chose : Il la suivait.
D'un haussement d'épaule, Linda chassa cette idée manifestement absurde. Mais l'écharpe rouge dansait dans un coin de son esprit et ses pensées revenaient sans cesse à la même conclusion. Il lui fallait en avoir le coeur net car elle savait qu'autrement elle finirait par s'angoisser inutilement toute la journée et en ferait même probablement des cauchemars.
Avec la sensation de se conduire comme une idiote, Linda entra donc une librairie proche et s'installa devant une rangée de livre qui lui permettait d'observer la rue tout en autant invisible aux regards des passants. Là, elle attendit, tous les sens en alerte.
Les minutes passèrent lentement et Linda s'attendait à tout moment à voir passer l'homme devant la vitrine. Pour faire bonne mesure, elle jeta quelques regards faussement intéressés aux livres devant elle afin de passer pour une simple cliente mais son attention était totalement focalisé sur la rue.
Son imagination élaborait des scénarios de plus en plus angoissant en incorporant des éléments toujours plus inquiétants : un regard cruel, un renflement qui pourrait être un couteau, une ruelle sombre, une arme à feu...
"- Le créateur du sadisme, en quelque sorte"
La voix fit sursauter Linda. Concentrée comme elle l'était sur la rue, elle n'avait pas entendu le libraire approcher. Celui-ci lui faisait un grand sourire complice.
"- Cela dit le sens que l'on donne désormais à ce mot ne lui rend pas vraiment hommage"
Perdue, Linda regarda le livre qu'elle tenait à la main : Il s'agissait d'un recueil des écrits du Marquis de Sade. Le propos du libraire prenait tout leur sens... et son grand sourire aussi.
Linda reprit ses esprits et se composa un sourire aimable de circonstances en reposant le livre sur son étagère.
"- Pas vraiment non", répondit-elle puis elle s'éloigna afin de couper là la conversation.
Elle sortit ensuite de la librairie en s'attendant à tomber sur l'homme à l'écharpe à tout instant mais il n'était visible nul part. Se traitant comme la sotte qu'elle avait été, Linda se rappela ses engagements professionnels et décida qu'elle avait bien assez perdu de temps. Il était tard et sa peinture ne pouvait plus attendre.
D'un pas vif, elle parcourut les dernières rues qui la séparait de son appartement. Elle abrégea autant que faire ce peu la discussion avec sa concierge, gravit rapidement les marches la conduisant au troisième étage tout en maudissant l'ascenseur vétuste qui semblait ne jamais fonctionner, pesta sur sa négligence en constatant qu'elle avait encore oublié de fermer sa porte à clé, se débarrassa de son manteau et se dirigea vers le salon.
"- Bonjour Mademoiselle Catherine", lui lança alors l'homme à l'écharpe depuis le canapé.