3, la chimère, chapitre V
Publié le jeudi 11 juillet 2019, 18:32 - modifié le 19/07/19 - Recueil - Lien permanent
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"L’attitude d’un étudiant en médecine en service de psychiatrie doit être la même que dans les stages d’autres spécialités. Le patient étant régulièrement conduit à évoquer des éléments d’intimité ou sources de détresse, parfois en présence de sa famille, votre attitude se doit de respecter les grands principes suivants : Écoute attentive, implication, discrétion et préservation de la confidentialité des entretiens, regard positif inconditionnel, ..."
Guide de l'externe en service de psychiatrie, AESP
"Aucun membre de la famille Catherine n'est présent aujourd'hui"
Alice réprima un soupir exaspéré à l'adresse de l'interphone. C'était un mensonge : Ses sources l'avaient informé durant le trajet qu'une certaine Linda Catherine, fraiche héritière du manoir familial, y avait établi ses quartiers. Et elle avait toute confiance en ses sources.
Du coin de l’œil elle surpris un mouvement de Vlad, à ses cotés, qui levait les yeux vers la tête féline ornant le large portail donnant accès à la propriété. Après avoir passé plus de 24h en compagnie d'un automate donnant le change mais vide de toute émotion ou curiosité, la gouvernante ne s'y trompa pas :
"- Vous revoilà, déclara Alice.
- Oui, répondit le Mage laissant se dissiper les dernières brumes du monde onirique. Je suppose que cette grosse tête de... lynx... est l'emblème de la famille Catherine ?
- Felis Silvestris, le corrigea la gouvernante. Un chat. Et, oui, il semble qu'au fil du temps les armoiries de l'honorable lignée des Catherine ait été remplacées par des représentations diverses de toutes sortes de félin.
- Je vois, conclut Vlad puis d'un geste vague il désigna l'interphone, interrogateur.
- Nous ne sommes manifestement pas les bienvenus, déclara Alice."
Le mage haussa les épaules : Un simple portail pouvait difficilement prétendre résister à sa gouvernante. Aussi lui indiqua-t-il d'un bref hochement de tête de "passer outre" et fit quelques pas en arrière pour lui laisser le loisir d'opérer. Alice vint se positionner en face du portail et d'un geste qu'on aurait pu croire anodin, elle le poussa lentement, brisant net la serrure qui le maintenait fermé.
S'il n'y avait eu le bruit du métal cédant sous la pression, un témoin passant par là aurait pu croire que le portail n'avait jamais été verrouillé.
Ni l'interphone, ni une quelconque alarme ne semblant décidé à protester, Vlad et Alice s'engagèrent sur le chemin traversant une bois et montant jusqu'au manoir.
La gouvernante profita du couvert des arbres pour faire son rapport.
"- Linda Catherine, artiste peintre, héritière déclarée de la lignée des Catherine et propriétaire de plein droit du manoir familial suite à la mort de feu son grand-père, Richard Catherine, dans des circonstances... 'accidentelles' si l'on s'en réfère aux déclarations du médecin légiste. Accident impliquant une arme blanche d'environ 30 centimètres que personne n'a réussi à retrouver, et une dizaine de témoins oculaires à la mémoire parfaite.
- Un meurtre pour avoir l'héritage ? s'enquit Vlad.
- Pas si simple. La désignation de l'héritier officiel semble suivre une logique qui n'a pas grand chose à voir avec les règles de descendance habituelles. C'est parfois l'enfant, parfois l'oncle, parfois même un cousin éloigné indirect qui reçoit le titre. La désignation semble organisée par une communauté de mystiques...
- L'Ordre de L'Eguemarine.
- Exactement. Une sorte de congrégation de moines dont le folklore est intimement lié à la famille Catherine.
- Longues robes brunes ? Avec une capuche masquant une bonne partie du visage ? s'enquit Vlad, amusé.
- Vous les avez déjà rencontré ? demanda Alice.
- L'un d'eux se dirige vers nous, répondit le mage en pointant le chemin."
Un homme encapuchonné venait effectivement à leur rencontre d'un pas fluide et déterminé. Les mains jointes dans ses manches et son capuchon rabattu on ne discernait que peu de sa personne. Mais Vlad savait lire au delà des apparences, et la pensée qui monopolisait l'esprit du moine était parfaitement claire, même à cette distance.
Après un signal subtil à Alice, Vlad écarta les bras dans un geste grandiloquent et déclara : "Je suis celui que votre ordre appelez Phoenix !"
La tirade n'obtint aucune réponse mais ce n'était pas l'effet recherché par le mage. En revanche le moine accéléra sensiblement le pas, visiblement énervé, comme si les mots de Vlad avaient contenu une insulte personnelle.
Alors qu'il ne se trouvait plus qu'à quelques mètres, il sépara ses mains et fit jaillir de sa manche une barre de fer rouillée. Comblant la distance le séparant du Vlad, le moine pirouetta sur lui même et asséna un coup de toute la force de son inertie. Mais la barre n'atteignit jamais le corps du mage.
Vive comme l'éclair, Alice s'était interposée et d'un geste ferme et assuré, elle saisit la barre. Pivotant elle aussi, elle utilisa l'élan du moine contre lui et l'envoya valser par dessus son épaule.
Le moine tomba durement au sol, sa capuche révélant un jeune homme aux allures de surfeur.
La gouvernante, entrainée à ne laisser aucune chance à ses adversaires, ne s’arrêta pas là et prolongea son mouvement d'un violent coup de pied vers le visage du moine. Puis après un autre coup de pied violent situé cette fois au niveau de l'entrejambe, elle se laissa tomber, assise, sur lui et entreprit de le rouer de coups de poing au visage.
Alice ne retenait pas sa force et du sang ne tarda pas à gicler de l'amas de chair qu'était devenu le visage du moine.
La gouvernante ne s’arrêta que lorsqu'un craquement sinistre répondit à ses assauts.
A peine essoufflée, Alice se releva alors et reprit sa place auprès de Vlad, rajustant sa tenue d'un air professionnel.
Mais le mage n'avait pas quitté le moine des yeux. Et, à la surprise d'Alice, ce dernier se releva lentement.
Sous ses yeux, elle vit ses ecchymoses disparaitre et sa chair se régénérer au point de rendre à nouveau visible son look de parfait surfeur.
D'un geste moqueur, il écarta les bras comme Vlad l'avait fait quelques instants plus tôt et dit dans un sourire : "Je suis celui que l'on nomme Säbel !"