Tout le bonheur du monde 2.0

Le blog de Khaos Farbauti Ibn Oblivion. Une vision du monde cynique et poétique.

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3, le tigre, chapitre V (suite)

3.jpgLe professeur s'installa tranquillement sans rien dire mais Sabël n'était pas dupe. La coïncidence était trop improbable pour que Nikolaï prenne, par hasard, le même vol que lui et dispose d'un siège juste à ses cotés.

Et quand bien même il aurait été naïf au point de croire au hasard, un détail évacua cette hypothèse immédiatement : Nikolaï portait un symbole de l'ordre de l'Eguemarine sur lui.
Sabël en ressentait la désagréable présence même à travers les vêtements du professeur.

Aucun des deux passagers n'émit le moindre son lors de l'énoncé des consignes de sécurité, et assistèrent au décollage de l'avion dans le silence le plus parfait.

Puis, jugeant finalement inutile de continuer à prétendre être une vielle dame, Sabël abandonna les faux-semblants et entama la conversation :

"- Alors comme ça vous vous êtes fait de nouveaux amis ?
- Oui... on peut dire ça, répondit Nikolaï."

Il sembla hésiter un instant, regarda intensément les yeux de Sabël, puis ayant apparemment obtenu la confirmation qu'il souhaitait, il reprit :

"- C'est une longue histoire, mais disons que j'ai croisé des gens qui semblent en savoir long sur vous en effet.
- Je pensais pourtant vous avoir ordonné, distinctement, de ne pas devenir une menace, dit Sabël d'un ton à glacer un mort.
- Ravi de voir que j'en suis devenu une... répondit Nikolaï."

Sabël éclata de rire. A travers le corps de la mère de Piotr, le résultat était effrayant. Le professeur ne put retenir un mouvement de recul, ce qui accentua d'autant l'hilarité de Sabël.

"- Je vois que les moinillons ont toujours autant d'estime pour eux-même et leur "pouvoir" ! dit-il en essuyant une larme. Non, Nikolaï vous n'êtes pas le moins du monde une menace. Un agréable intermède tout au plus.
Mais je vous en prie, même si ces caravelles volantes vont bien plus vite que leur version maritime, il nous reste largement assez de temps pour échanger des amabilités. Alors je vous écoute, que faites-vous ici ?
- L'Ordre m'a recruté pour vous retrouver, mais j'avoue que je ne me suis pas vraiment fait prier. Vous êtes un cas fascinant.
- Ah, vraiment ?
- Oui, au-delà des implications meta-physique de votre existence, je n'ai pas résisté à l'envie d'étudier plus avant une psychologie aussi arriérée.
- "Arriérée" ? releva Sabël d'une voix qui se voulait neutre."

Ce fut au tour de Nikolaï de sourire.

"- Pardon, si je vous ai froissé. Disons obsolète si vous préférez... Votre personnalité, votre... "être"... semble entièrement dirigé par ses instincts, un peu comme un animal. Vous semblez évoluez dans la vie sans recul ni réflexion, uniquement en réagissant aux stimulus qui se produisent autour de vous. Vous êtes tellement piloté par vos pulsions qu'il vous est impossible d'y résister, sauf sans doute quand il en va de votre survie
A ce propos, je tiens d'ailleurs à vous préciser que plusieurs moines de l'Ordre ont embarqué dans cet avion, et qu'ils disposent de moyens suffisants pour vous stopper si vous aviez le moindre geste malheureux envers ma personne. J'ose espérer que votre volonté de survivre saura me prémunir de toute tentative violente de votre part.
- Tout dépend du nombre d'insultes dont vous comptez encore m'abreuver je suppose...
- Loin de moi l'idée de vous offenser. En fait, si je suis ici c'est pour vous proposer une alternative aux méthodes brutales de mes "nouveaux amis" comme vous dites. Je suis intimement persuadé que vos éclats ne sont qu'un mécanisme de défense naturel face à un monde trop évolué pour vous. Sous la dictature de vos instincts vous n'êtes pas capable de vivre pleinement votre existence, ce qui vous frustre à n'en pas douter.
Mais il existe une solution : l'Ordre ne semble pas connaître la véritable nature de leur outil mais je pense avoir cerné ce dont il était capable."

Nikolaï tira sur la chaîne qu'il portait et sortit une amulette de sous son col. Il s'agissait du chat stylisé en argent que Sabël connaissait bien pour l'avoir vu autour du cou de presque tous les moines de l'Ordre de l'Eguemarine.

"- Ce pendentif est capable de grande chose d'après les moines. Mais pour ma part, je pense qu'il est surtout apte à vous offrir la liberté. Imaginez un instant ne plus ressentir la tourmente de vos pulsions tyranniques. Imaginez que vous puissiez choisir d'ignorer, voire même de vous opposer, à un ordre purement dicté par votre condition.
Ce médaillon que vous ne semblez pas porter dans votre cœur pourrait vous offrir quelque chose d'inestimable : le libre-arbitre. Ne serait-ce pas là quelque chose de merveilleux."

Nikolaï ôta le pendentif de son cou

"- Laissez-moi vous libérer. dit-il en le tendant à Sabël."

En guise de réponse, ce dernier ne prononça pas un mot, parut hésiter un instant puis finalement inclina la tête. Nikolaï passa alors la chaîne autour du coup de celui qui pour tous les autres passagers de l'avion n'était qu'une veille dame.

Lorsque ce fut fait, Nikolaï sourit...

...Et Sabël également.

Khaos Farbauti Ibn Oblivion

Auteur: Khaos Farbauti Ibn Oblivion

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