Tout le bonheur du monde 2.0

Le blog de Khaos Farbauti Ibn Oblivion. Une vision du monde cynique et poétique.

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Le tour du monde

Je compose ton numéro. Je ne sais pas exactement pourquoi. L'envie de toi. Même si cela n'a plus aucun sens au vu du gouffre qui nous sépare. Mais je t'appelle quand même. Ne serait-ce que pour savoir si tu répondras, pour entendre ta voix.

A peine une sonnerie se passe que tu réponds déjà. Je ne m'y attendais pas. Et en un mot, je sens à nouveau la chaleur de nos étreintes passées. Il y a dans ton simple salut, une inflexion, une caresse, que tu ne réserves qu'à moi. Et malgré tout ce qui nous éloigne, elle est toujours là. Je ne suis même pas sûre que tu t'en rendes compte.

Mais tu parles à voix basse et déjà mon cœur se serre. Bien sûr. Tu n'es pas seul. "Elle" se trouve probablement là, non loin. Et toi, pauvre lâche, tu ne te risqueras jamais à la rendre soupçonneuse.

Alors je joue la sourde. Je te demande de parler plus fort. Nous savons tous les deux pourquoi, mais cela fait partie du jeu. Malgré tout ce qui a été perdu. Malgré le destin condamné que nous percevions dès notre rencontre. Il faut bien qu'il en reste quelque chose, alors je choisis cela.

Nous parlons quelques minutes. Des paroles en l'air, des platitudes futiles à défaut de réconfortantes. Peu importe. Nous partageons nos voix et si c'est tout ce qu'il nous reste alors ainsi soit-il.

Nous sommes deux enfants perdus alors nous jouons à faire semblant. "Un jour, on fera". "Plus tard, on ira". Un mensonge après l'autre, nous nous éloignons d'une réalité trop pénible et dérivons par les chemins de l'imaginée liberté.

Un tour du monde. Voilà ce que nous ferons. Ensemble. Un jour. Une traversée des continents, à la rencontre des gens, des pierres, des histoires, des légendes. Une vie de nomade, à deux. Puis à trois, pourquoi pas.

Une autre vie. Loin de toutes nos attaches. Loin de la réalité. Un monde parallèle où tout irait bien comme dans un documentaire sur le bonheur. Une utopie construite par nos voix désabusées.

Bien sûr, rien de tout cela ne sera jamais. Il est bien trop tard pour cela. S'il y a même jamais eu la moindre possibilité. Depuis combien de temps nous mentons nous ? Tu n'es qu'un gamin rêveur et je ne vaux sans doute guère mieux.

Car même si je ne l'admettrais jamais, durant ces quelques minutes imaginaires, j'ai entrevu le paradis que nous construisions. Pendant cet instant fugace, toutes nos ridicules paroles sont devenues des images.

Et je l'ai vu. Notre tour du monde.

Khaos Farbauti Ibn Oblivion

Auteur: Khaos Farbauti Ibn Oblivion

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KannTo (Fanatique) ·  29 juin 2018, 12:25

Toujours un plaisir. Il est bien réussi, celui-ci (comme les autres quoi :rolleyes: ). J'aime beaucoup le déport narratif :)

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