Tout le bonheur du monde 2.0

J'ai, comme tous les nouveaux parents, été confrontés à l'incroyable univers des produits "genrés" mais il y a déjà d'innombrables articles sur le sujet donc ce n'est pas cela que je vais aborder aujourd'hui. (Personnellement ma solution a été d'acheter de tout : "pour fille", "pour garçon" et "neutre". Ça évite les interminables questionnements philosophiques dans les magasins et ça me permet d'horriblement gâter ma fille )

La bonne intention

Non, moi ce qui m'interpelle, parce que cela fait beaucoup plus écho à mon propre vécu, ce sont les délirantes classifications PEGI sur les jeux vidéos.

Alors tout d'abord, une précision importante : Ma fille ne joue pas aux jeux vidéos.
Elle a actuellement 2 ans (et demi) et même si elle bricole sur ma tablette tactile ou mon smartphone à l'occasion c'est uniquement pour le plaisir d'animer des trucs avec ses doigts. Les concepts d'avatar contrôlé par une manette, de niveaux, de quêtes, etc... sont encore un peu abstrait pour elle.

Par contre ma fille peut me voir jouer aux jeux vidéos. Surtout depuis que j'ai acheté une console de salon.

Et donc, tout comme je suis attentif aux indications CSA à la télévision (sur lesquelles je ne suis pas toujours d'accord mais qui me permettent néanmoins de trier dans les grandes lignes), je me suis intéressé aux classifications de mes jeux tout neufs.

Alors, certes, je me doutais bien que The Last of Us, belle histoire à base de société qui s'écroule, de morale qui fout le camp et d'une variété particulière mais néanmoins sanguinolente de zombies-champignon, n'était pas des plus adapté aux yeux innocents de ma princesse. (Quoi que, dans l'absolu, tout ceci est virtuel et clairement dissocié de la réalité. Mais je ne vais pas faire mon extrémiste. )
Et je ne me trompais pas puisque la boite est agrémenté d'un "PEGI 18" assez prévisible.

Mais quelle ne fut pas ma surprise de constater que Rayman avait le droit pour sa part à un absurde "PEGI 7".

La stupide réalisation

Revenons quelques instants sur le système PEGI. Il est constitué de deux types de pictogrammes : La classification et le pourquoi de la classification.

Vous avez donc le chiffre, correspondant à l'age minimal conseillé (ou requis parfois selon certains circuit de vente) pour ne pas être choqué par le jeu.
Et vous avez ensuite une série d’icônes indiquant la ou les raisons de cette recommandation.

C'est à ce niveau que vous constatez l'ampleur de la profonde stupidité du système. En effet, au milieu des évidents "Langage grossier", "Violence" et "Sexe" vous trouvez notamment "Jeux de hasard" (ce jeu explique les règles d'un jeu de hasard ), "En ligne" (ce jeu peut être joué à plusieurs en ligne) et, mon préféré, "Peur" (Peut faire peur aux jeunes enfants)

Autrement dit, n'importe quel jeu de société ("hasard") adapté en jeu vidéo multijoueur ("en ligne") déclenchera automatiquement deux des critères du PEGI le propulsant au bas mot vers un PEGI 12.
Permettez-moi la répétition pour bien insister sur ce point : Un bête trivial poursuite ou, mieux encore, le classique jeu de l'oie deviendra subitement quelque chose dont il faut protéger les enfants JUSTE PARCE QU'IL A ÉTÉ ADAPTÉ EN JEU VIDÉO !

J'ai rarement vu plus con.
Et c'est peu dire sur ce que je pense des associations de "protection" de l'enfance qui sont à l'origine de ce genre de système débile.

Mais revenons-en à mon jeu Rayman, dont la classification "PEGI 7" m'a surpris. Il est donc spécifié "Violence" (Rayman tape sur les méchants) et surtout "Peur".

Et là j'ai beau me retourner le cerveau, je ne comprends pas le "Peur". (Petit rappel : Rayman c'est un univers ultra-cartoonesque)
Parce que je ne sais pas vous mais moi ma fille, à son âge, elle n'a pas vraiment peur de grand chose. D'ailleurs les peurs des petits enfants n'ont pas grand chose à voir avec les peurs d'adultes et se réduisent généralement à une seule chose : Être séparé de Maman et Papa.

Alors, oui, ma fille a d'autres peurs comme par exemple le meuglement particulier d'un jouet vache qu'elle n'aime pas du tout mais Rayman ne comporte à ma connaissance aucune vache meuglant de cette manière.

Rayman a par contre des niveaux intitulés par exemple "Forêt hantée".
Mais ça, à moins d'avoir fait une soirée intégrale des films d'horreur des années 80 en compagnie de vos enfants, ça n'a aucune chance d'évoquer la moindre peur à leur âge.

Au pire, on pourrait dire que certains sons du jeu (quand on découvre une salle secrète par exemple, on entend un genre de "Ouuuuh") peuvent surprendre ma fille. Mais une explication rapide ("C'est le son quand Papa trouve une salle secrète") permet de la rassurer dans l'instant.
Nous fonctionnons comme n'importe quel animal : Si personne ne montre le moindre signe de peur face à un événement, nous n'allons pas avoir peur nous même.

Bref même ce critère de "Peur" montre à quel point le classement a été mis en place uniquement pour faire plaisir à je ne sais quelles familles de France. (Probablement les mêmes qui ont oublié que les parents, c'étaient eux)

Deux poids, deux mesures

Au delà de sa stupidité intrinsèque, il y a autre chose qui montre à quel point le système PEGI n'est rien de plus que l'effort constant de stigmatiser les jeux vidéos. (qu'on retrouve encore de nos jours avec les tueries dans les écoles "qui sont la faute des jeux vidéo" et de GTA 5 "qui incite à tuer des prostitués")

Cette autre chose c'est tout simplement que le système PEGI n'a aucun équivalent en dehors des jeux vidéo.
Les jeux de société ? La limite d'âge est fixée en fonction de la complexité des règles.
Les jouets, figurines, peluches ? La limite d'âge est fixée en fonction de la dangerosité physique de l'objet.(petites pièces, peinture, projection, ...)

Seul les jeux vidéo sont jugés sur des critères "moraux", sur l'impact psychologique sur les enfants. Ces critères n'interviennent à aucun moment lorsque l'on vend, par exemple, des poupées mortes-vivantes (vampire, zombie, garou, ...) en mini-jupe dans un packaging en forme de cercueil.

Même à la télévision, où un système de classification existe, les critères sont nettement plus raisonnable. Par exemple, je vous mets au défi de regarder 2 heures de programmes sur la chaîne Gulli, sur lesquels il n'y a aucune contre-indication d'âge, sans tomber à un moment où un autre sur des gentils tapant sur des méchants, voire sur des situations où le héros a peur de quelque chose.

D'ailleurs tous les conteurs (moi y compris) vous le diront, une bonne histoire passe par des moments d'intensité et la peur est un bon outil narratif pour cela. Bien utilisée, elle ne traumatisera pas les enfants pour autant.

Seuls les jeux vidéo ont l'insigne honneur de subir un jugement de valeur digne des mormons les plus extrémistes et qui n'existe nulle part ailleurs.
Tout ça au nom de la protection de l'enfance.

Hypocrisie quand tu nous tiens...

Que la paix soit avec vous.