Tout le bonheur du monde 2.0

Le blog de Khaos Farbauti Ibn Oblivion. Une vision du monde cynique et poétique.

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3, le tigre, chapitre V (fin)

3.jpgSabël releva la tête, affichant un sourire bien moins menaçant que ceux qu'il arborait habituellement. La différence était subtile mais néanmoins perceptible. Il s'agissait d'une simple expression de joie et non d'une tentative d'intimidation.

Il planta son regard dans celui du professeur et d'une voix apparemment sincère il dit : "Merci"

En un geste lent mais puissant, comme s'il tentait de traverser un champ de force invisible, Sabël referma ses deux mains sur le médaillon. Son regard trahissait une intense concentration et Nikolaï crut brièvement que son voisin accomplissait une prière.

"- Merci, reprit Sabël, de m'avoir forcé à faire ce qui me répugnait depuis si longtemps. Grâce à vous, je connais enfin la vérité.
- Vous parvenez à surmonter vos instincts ? demanda Nikolaï
- Comment vous expliquer ? hésita Sabël. Il y a deux erreurs dans votre analyse.
La première c'est le terme "instinct". Je ne suis pas sûr que l'on puisse vraiment me l'appliquer. Après tout je ne suis pas un organisme ordinaire, je n'ai pas de contraintes d'ordre biologique. Du moins pas comme vous l'entendez. Là où vous voyez une pulsion tyrannique, il n'y a en fait que ma liberté d'agir en accord avec moi-même.
Je suis navré professeur mais je ne ressens aucune frustration à suivre mes envies. C'est plutôt vous, les humains, qui êtes constamment en train de vouloir renier votre nature, en vous inventant une morale, une sagesse, une "humanité" orientée vers un prétendu bien suprême. Vous passez votre temps à fermer les yeux face à votre part destructrice et malveillante, en parlant très fort pour tenter de convaincre l'univers que vous n'êtes qu'amour. Clairement, la frustration, vous en êtes les spécialistes.
Où est votre libre-arbitre s'il faut constamment le remettre en cause pour des notions aussi banales que le bien et la bonté ? Où est votre liberté si l'on vous impose une limite. Si, avant de pouvoir choisir un chemin, vous devez attendre que vos pairs l'approuvent ? Votre nature vous permet de faire le bien comme le mal, vos possibilités sont infinies. Alors pourquoi vous dénaturer en tentant d'en masquer une ?
Vous faites erreur, la frustration n'existe pas lorsque l'on est libre d'agir au delà de toute contrainte sociale. Lorsque le seule voix que l'on écoute, aussi terrible puisse-t-elle sembler aux autres, c'est la sienne."

Au fil de son discours, le sourire de Sabël avait repris son aura de menace indicible.

"- C'est absurde, répondit le professeur. Ce n'est pas... Et qu'elle serait la deuxième erreur ?"

Un léger craquement ponctua sa question. La chaîne du médaillon venait d'être rompue par un mouvement sec de Sabël.
Lentement, il approcha ses mains, toujours en prière, du visage de Nikolaï puis les ouvrit doucement.

Les paumes de Sabël présentaient des traces de brûlures intenses là où elles avaient été en contact avec le médaillon. Mais, n'étaient ces marques rouges, il ne restait plus du chat stylisé qu'un caillou informe. Le résultat d'une pression intense appliquée par une force bien supérieure à ce qu'un corps de veille femme était capable de produire.

"- Votre seconde erreur, professeur Nikolaï Ivanov, a été de faire confiance à une magie vieille de plusieurs siècles. J'ai toujours soupçonné qu'elle finirait par perdre de sa puissance... je vous remercie encore de m'avoir permis de le vérifier une fois pour toute."

D'un geste négligeant il jeta les restes du médaillon à travers l'avion. Du coin de l’œil il aperçut aussitôt une demi-douzaine de passagers se tendre et se préparer à intervenir. Le professeur n'avait pas menti, il n'était pas venu seul.

Sabël saisit alors fermement Nikolaï par le cou.

"Petite question Nikolaï : sais-tu ce qui fait la force de ceux qui suivent leur nature librement ? ce qui les rend si supérieurs aux autres ?"

Le professeur ne put qu'émettre un son étranglé.

"Ils sont imprévisibles" se répondit Sabël.

Tandis que les moines de l'Ordre se levaient et se dirigeaient précipitamment vers lui, Sabël posa sa main libre sur la paroi de l'avion juste en dessous du hublot. Puis, comme s'il s'était agit d'une vulgaire feuille de papier, il déchira la cabine d'un geste ample.

La physique fit le reste et l'avion s'ouvrit en deux, projetant Sabël, Nikolaï et des passagers hurlant de terreur au milieu des nuages.

Khaos Farbauti Ibn Oblivion

Auteur: Khaos Farbauti Ibn Oblivion

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