Tout le bonheur du monde 2.0

Le blog de Khaos Farbauti Ibn Oblivion. Une vision du monde cynique et poétique.

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3, le chat, chapitre VI (fin)

En douceur, se répéta-t-elle. Il faut agir progressivement.

Si Linda voulait profiter de la situation et parvenir à ses fins, il ne fallait pas qu'elle agisse trop précipitamment. Cela éveillerait ses soupçons.

Imperceptiblement elle fit évoluer son attitude corporelle. Par des modifications subtiles, elle quitta son attitude froide et politiquement correct, pour paraitre plus décontractée.

Un mouvement d'épaule, une tension précise des sourcils, un plissement calculé des lèvres... Elle connaissait parfaitement le résultat à atteindre. Dans sa mémoire flottait des décennies de toiles de Maîtres, d'éloges de la féminité, de portraits à la tension érotique insoutenable.
Il lui suffisait de plaquer l'un de ces visages sur le sien.

Touche par touche... détails après détails...

La réaction d'Axel ne se fit pas attendre. Il saisissait le moindre occasion pour plonger ses yeux dans les siens et son discours s'enflammait sans qu'il ne s'en rende véritablement compte. Le moindre de ses propos devenait appuyé, entouré de superlatif pour souligner son importance, et donc l'importance de sa personne.
En réponse aux moindres hochement de tête savamment calculé pour faire rouler les cheveux de Linda sur ses épaules, Axel se redressait et bombait le torse inconsciemment.

Linda n'avait même plus à prendre la peine de faire la conversation, son attitude corporelle suffisait à relancer son interlocuteur, à le pousser dans des tentatives toujours plus pathétiques de se mettre en avant.

Il était si malléable, si facile à manipuler. Une marionnette dont les fils était accroché à chaque parcelle du corps de Linda.
Un mouvement de main, il se redressait. Un regard, il déglutissait. Un sourire et son discours devenait soudain confus.

La situation procurait un plaisir intense à Linda et en retour elle imprimait encore plus ce plaisir dans le moindre de ses faits et gestes.
Une goutte de sueur perlait sur le front d'Axel.

Brusquement Linda se leva.

"- Un autre café, proposa-t-elle ?
- Vo...volontiers, balbutia-t-il."

Linda l'avait interrompu au beau milieu d'une phrase et il semblait incapable de reprendre le fil de ses pensées. Elle se pencha pour saisir la tasse d'Axel, parfaitement consciente qu'elle offrait ainsi une vue plongeante sur sa poitrine.
Puis se redressant aussitôt, elle se dirigea vers l'évier. Axel n'avait probablement rien vu mais cela n'empêcherait pas son cerveau de compléter le tableau avec toutes sortes de fantasmes.

Après un instant de silence, où Axel remettait manifestement de l'ordre dans ses pensées. Il reprit son discours inutile sur un placement qui "valait vraiment le coup", si seulement Axel avait accès à une partie des capitaux de la famille Catherine.
Au moins, il lui tournait désormais le dos et Linda n'avait plus à supporter ses regards pervers.

Tandis qu'elle versait un nouveau café, elle écoutait d'une oreille distraite l'interminable moulin à parole. Il parlait tellement que ses mots semblaient remplir l'air, formant un brouillard de sons et de bruits inintelligibles. Un brouillard molletonné de platitudes dans lequel il n'était plus possible de distinguer le moindre sens. Une litanie verbale infinie qui en devenait presque berçante...

C'est alors que Linda ressentit à nouveau une douleur dans la poitrine. Le médaillon se rappelait à elle et la tirait de ses rêveries.

Elle s'aperçut qu'elle ne se trouvait plus devant l'évier mais juste derrière Axel. Elle s'était manifestement faufilé derrière lui sans qu'il ne s'en rende compte. Il poursuivait donc son discours d'une voix forte pensant Linda quelques mètre plus loin.
Linda sentit quelque chose dans sa main. Pour une raison qui lui avait paru évidente quelques instants auparavant, elle tenait l'un de ses couteaux de cuisine. La tasse de café, elle, reposait, remplie, un peu plus loin.

Il ne devait pas s'être passé plus de quelques secondes durant sa rêverie mais Linda avait l'impression de se réveiller d'un long sommeil. Une pensée, tel un rêve fugitif, s'évanouissait. Elle ne parvenait pas à la rattraper.

Le couteau, l'interminable diarrhée orale, le médaillon, ... Le lien lui était apparu mais lui avait été enlevé en même temps que la douleur à sa poitrine s'était manifestée.

Le Fauve... le Fauve avait voulu lui dire quelque chose. Quelque chose d'important...

Une offre ?... Un échange...? Un accord !

Un compromis. Oui il s'agissait d'un compromis pour rendre leur existence commune meilleure.

Dans un éclair de lucidité, Linda fit fuir le brouillard. Le Fauve lui avait parlé, il lui avait proposé un pacte. Elle savait ce qu'il voulait. Ce qu'il ne pouvait faire lui-même à cause du médaillon.
Et elle savait qu'elle voulait le lui donner.

D'un geste vif, elle affermit sa prise sur le couteau et trancha net la gorge d'Axel.

Les palabres exaspérantes se transformèrent en gargouillis écœurant, tandis que de la jugulaire jaillissait des flots de sang.
Sans accorder d'attention à l'hémoglobine projetée à travers la pièce, Linda vint se placer devant Axel et frappa de sa lame. Encore et encore. Jusqu'à ce qu'elle n'ait plus devant elle qu'une masse inerte et rouge.

Alors elle ferma les yeux et laissa ses sens se réveiller. Elle senti le souffle de sa propre respiration haletante. Elle écouta les bruits qui montaient de la rue, des murs trop fins de son appartement, le son du monde qui vit.
Puis elle ouvrit les yeux et imprima dans sa mémoire chaque détail, chaque touche de couleur, chaque particule du spectacle qui s'offrait à ses yeux.

La toile allait être magnifique cette fois. Elle le sentait.

FIN DU LIVRE I : "Le Chat"

Khaos Farbauti Ibn Oblivion

Auteur: Khaos Farbauti Ibn Oblivion

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